Prédication de Pâques 2015,
à partir de Matthieu 28, 1 à 15.
Rien chez Matthieu ne se
passe comme ailleurs, chez Marc, Luc ou Jean.
Matthieu scénarise à
l’excès, il semble nous proposer une
version Métro Goldwyn Meyer
(ou YouTube pour les plus jeunes).
En fait, il répond à une
sorte de théorie du complot : le bruit circule en effet que les disciples
ont volé le corps, ce qui explique le tombeau vide : CQFD ; pas de résurrection, donc.
Comme s’il fallait une
preuve.
C’est vrai que nous aimons
les preuves…
Le vérifiable, le
quantifiable…
Alors Matthieu en rajoute,
semble-t-il.
Là où, dans les autres
évangiles, les femmes trouvent la pierre roulée, ici, elles voient l’ange la
rouler devant elles et après qu’elles s’en sont retournées, le Ressuscité leur
apparaît tout de suite, comme pour
couper court à toute attente.
Il y a même une sorte
d’urgence et un petit mot étonnant : Vite.
Vite apparaît deux fois dans le récit :
Vite, allez dire aux
disciples…
et elles quittent vite le tombeau
Vite, avant
toute manipulation,
toute récupération.
Alors Matthieu met aussi en
scène cette garde au tombeau qui pourra attester que le corps n’a pas été volé.
Ces gardes qui se figent
d’effroi devant l’ange du Seigneur.
Oui, mais voilà, Matthieu
tombe peut-être ainsi dans un piège, car à trop vouloir en faire, on tend le
bâton pour se faire battre…
Car il y aura toujours
d’autres témoins, d’autres preuves, pour venir infirmer ceci ou cela.
Amis, la foi, en vérité
n’a que faire de preuve.
La preuve de l’air, ce
n’est pas son analyse chimique, c’est qu’on puisse le respirer et en vivre.
La preuve de l’amour ce
n’est pas dans les angoissants : « dis-moi que tu m’aimes » mais
c’est qu’il nous fait vivre…
Le baptême de Nicolas
n’est pas la preuve qu’il est désormais chrétien, mais tout au contraire un
appel, une incitation, un cadeau offert à ouvrir, découvrir et partager
La foi en vérité n’a que
faire de la preuve :
Elle est expérience
Elle est fiance,
confiance, une sorte de « malgré nous » qui nous saisit et nous
transporte…
Mais Matthieu en fait des
tonnes.
Il en fait tellement
Matthieu qu’il met même en scène un tremblement de terre…
Rien que cela !
Pas de tremblement de
terre, bien sûr, au matin de Pâques chez Marc, Luc et Jean.
Mais pour Matthieu, la terre
elle-même tremble, un « seismos » nous dit-il…
Je ne sais pas vous, mais
moi, je n’ai pas senti de tremblement de terre, ce matin….
Bizarre pourtant cette
précision
Le tremblement de terre est,
dans les Evangiles, le signe annonciateur de la fin des temps.
Pourtant, depuis 2000 ans,
le monde continue avec son lot de monstruosité, de souffrance, de folie.
Mais aussi de beauté, de
don, de tendresse, de confiance.
Alors pourquoi ce
tremblement de terre chez Matthieu au matin de Pâques ?
Que veut- il dire ? Que
veut-il nous dire ?
Mais allons plus loin…
En fait, les tremblements de terre, nous les connaissons bien dans nos vies.
Trop bien même.
Car oui, souvent, la terre
tremble
Oh ! je ne parle pas
de tsunami ni d’autres catastrophes
naturelles.
Non !
Je parle de tous ces
tremblements de terre lorsque vacillent toutes nos convictions, toutes nos
certitudes, tout ce en quoi nous croyons
Tout ce que nous avons
construit…
Je parle de ce tremblement
de terre lorsque la maladie grave survient et que la terre semble se dérober
sous nos pas.
Je parle de ce tremblement
de terre lorsque le deuil frappe et que l’abîme de l’absence s’ouvre sous nos
pas.
Je parle de ce tremblement
de terre lorsque la folie prend possession de la vie et que l’on bascule dans
un trou sans fond.
Je parle de ce tremblement
de terre lorsque l’amour s’est tari dans le cœur et que le gouffre du néant et du
désespoir nous appelle de sa béance.
Allons, en fait, les tremblements
de terre nous les affrontons sans cesse. Ils nous meurtrissent en silence ou à
grands cris, c’est selon, mais toujours nous laissent pantelants et épuisés.
Mais notre tremblement de
ce matin est d’un autre ordre.
Car au lieu de détruire, il recrée ;
Au lieu de d’écraser,
il ouvre.
Au lieu de signer la fin, il signe un commencement
nouveau.
Etrange tremblement de
terre de Pâques qui, en fait, est un anti
tremblement de terre,
qui ouvre le tombeau
non pour en faire sortir
la mort
mais pour faire jaillir
une parole de vie.
Car notre tremblement de
terre est précurseur d’une Parole :
d’une double parole :
-
Celle de l’ange
-
Celle du Christ
Et le tremblement de terre
pascal se fait mouvement,
il met en route, vite :
On va, on vient,
on s’agite
on court.
Tout cela à cause de ce
tremblement de terre qui a libéré une Parole plus forte que la mort elle-même.
Une parole qui dit 2
choses (toujours la même) :
L’ange tout d’abord, puis
le Christ :
-
« n’ayez
pas peur »
et
-
« allez » !
Allez, car une vie est désormais possible, libérée de la peur.
Allez, allez dire,
partagez l’impensable.
« A la fine pointe de
l’espérance
Tremble une promesse
Qui inonde l’aujourd’hui.
Une parole neuve dessine
un nouveau premier matin du
monde.
Ce qui s’annonce là fait
sourire les revenus de tout, les anesthésiés du désir qui renoncent à espérer
par peur de se blesser.
Mais ceux qui écoutent
l’irréductible bonté
malgré la vigueur de l’ombre
et la persévérance du mal,
ceux qui restent, envers
et contre tout,
ouverts à ce qui survient et garde place,
au plus profond de leur cœur,
pour le sel et la lumière,
ceux-là sont en
devenir de résurrection ! » (Francine Carrillo in L’Imprononçable).
Voilà, le tremblement de
terre nouveau qui nous ébranle au plus profond, au tréfonds de nous-même,
laissant juste ce qu’il faut de faille pour que jaillisse la parole :
N’ayez pas peur,
Et Allez
Et tant pis pour les
complots, les mensonges, les calomnies des grands prêtres et les dessous de
table des puissants,
Nous, nous pouvons désormais
nous tenir debout, fusse au pied de la tombe de l’être aimé et pourtant
reprendre route, chancelants, pantelants, trébuchants.
Et pourtant vivants par la
seule force de cette Parole reçue, de cette lumière entrevue
dans le bouleversement de
ce tremblement de terre qu’est, pour nous, l’expérience de Pâques.
Alors, ma sœur
mon frère
En marche
en avant
et n’aie pas peur :
Un Autre t’appelle
t’attend et
t’accompagne.
Amen
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