mercredi 22 janvier 2014

Prédication de Noël, Oratoire  2013.
Texte biblique : Jean 1, 1 à 18.


Je ne voudrais pas casser l'ambiance, mais il m'arrive de me demander :
-        que faisons-nous ici ?
-        que faisons-nous, Noël après Noël, à fêter l'anniversaire d'une naissance qui pourtant ne semble ne rien avoir changée !
-        et puis, cette nuit, pas même d'étoile dans la nuit : rien que pluie et tempête…

"je trouve que tout va de travers chez nous…
que plus personne ne sait ce qu'il fait ou ce qu'il doit faire…
tout le temps se passe en querelle…
tout n'est que guerre éternelle…[1]" !
C'est Voltaire qui , en 1758 déjà, écrivait ces mots qui semblent bien toujours d'actualité !

Oui, comment fêter Noël, au cœur du désastre,
alors que la souffrance, la séparation, la maladie, 
le deuil nous terrasse ?
Comment fêter Noël alors que la violence imbécile se déchaine encore et toujours partout, ou que l'on vient de porter en terre sa grand-mère  ?
Comment fêter Noël au milieu du doute, du désespoir, 
de la révolte ?

Comment fêter Noël alors même que la foi devient, pour beaucoup de nos contemporains, synonyme de fanatisme aveugle ou bien d'archaïsme pour demeurés mentaux ?

Mais au fait, qu'est-ce que Noël ?

Chez nous, les Breyne, nous avons un petit sapin, et lorsque l'on passe devant, il se met à chanter des cantiques.
Cette année, nous ne l'avions pas sorti, mais l'une de mes filles ( la plus grande) nous disait hier :
-        Pas de Noël sans le sapin qui parle !
          Car  Noël, c'est le sapin qui chante !

Et bien, elle n'était pas loin de l'essentiel : car Noël, n'est-ce pas cela d'abord : une parole qui nous rejoint ? 

En effet, s'il s'agissait non pas tant de fêter l'anniversaire d'une naissance, que de nous déplacer pour nous replacer devant l'essentiel ?  
Essentiel qui est Parole et lumière ?!

C'est vrai, la réalité de ce monde, c'est l'homme qui est bien un loup pour l'homme ;
C'est  la loi de la vie qui est la loi du plus fort, la loi de la jungle !
Mais si cela n'était pas le dernier mot sur notre humanité ?
Si de l'humain une autre version était possible ?
Vieille histoire, encore une fois :
Déjà, l'Evangile de Jean de dire :
-        la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas reçue…
et plus loin :
-        le monde ne l'a pas reçue !

Mais si Noël était encore autre chose :
Non pas l'anniversaire de quelque chose qui s'est passé hier, il y a 2000 ans, mais l'annonce de quelque chose qui vient, qui survient, aujourd'hui, dans nos vies, et qui peut tout bouleverser ?

Non pas hier, mais aujourd'hui, pour demain ?
"Au commencement était la parole…. "
Au commencement ?
Là se tient, confortablement tapie au creux du langage, le plus terrible piège de l'interprétation de ce texte  !

Car le mot grec traduit habituellement par commencement signifie aussi , et d'abord : le principe, le fondement, l'autorité, la direction.[2]

Et s'il nous fallait comprendre les choses autrement ?
Et si ce prologue de l'évangile de Jean ne nous disait pas le commencement, mais le projet de Dieu pour l'homme ?
Le fondement, la direction ?
De  même que les premiers récits de la Genèse ne racontent pas l'origine du monde mais indiquent  un projet et se font parabole de notre condition  humaine.

De même, le Prologue ne dit pas tant hier, qu'il déchire le présent pour en faire surgir un autrement possible.

L'avez-vous remarqué ?
Dans l'Evangile de Jean, pas de crèche, pas d'étable,
pas de berger et de mages…
pas même de Joseph qui rêve !
Rien de ce qui fait nos contes d'enfants, pas de belles histoires ni même d'étoile dans la nuit….

Mais un chant dans la nuit de nos vies…!
Ce texte étrange et comme étranger,
ces premiers versets de Jean ne ressemblent pas à ce que nous avons l'habitude de lire dans nos évangiles.
Pas de récit, pas de parabole,  pas d'enseignement  :
mais un chant, un hymne, un poème.

Ces premiers versets de Jean, en grec, prennent la forme d'un poème lyrique, parfaitement construit selon les règles de la poésie grecque de l'époque, parfaitement rythmé ….
Ainsi, Tout commence, chez Jean, par un poème, un hymne, un chant….

Un chant dans la nuit !
Pour nous dire quoi ?

Qu'il ne nous suffit pas d'être né pour être humain !
Encore faut-il qu'une Parole nous rejoigne et nous appelle à être.
Que vivre est un "devoir être",
contre l'obscurité et les ténèbres.
Contre la souffrance et la fatalité.
Contre toutes nos condamnations à vivre,
Contre nos enfermements, nos apparences et nos faux semblants !
Et cela, par la seule force d'une parole reçue,
comme un chant dans la nuit !

Au commencement, au point où les vagues de notre pensée  se brisent, au commencement, donc,  était la parole.

Ou plutôt non : au commencement était un cri d'enfant.
Un cri d'enfant nouveau né.

Ou plutôt, non : aujourd'hui, retentit le cri de l'enfant nouveau né,
Puisque c'est en ce moment qu'il nous commence.
Et le cri déchire l'obscurité.

Et ce cri nous fait tous, chacun d'entre nous, fils, fille d'une parole.

Ceux là ne sont pas nés d'eux-mêmes…
Ceux là naissent d'un appel !
L'appel de la vie ;
L'appel de Dieu à la vie.

Ce cri ne vient pas de nous, mais de l'Ailleurs.
Ce cri nous fonde et nous appelle à être.
Mes amis, vous le savez, on ne naît pas humain, on le devient, par la seule force d'une parole reçue, qui nous invite à être,
autrement que par la loi du plus fort qui est la loi de la jungle.
Car si la loi de la jungle est bien la loi de la vie,
entrer en humanité, c'est autre chose.
C'est découvrir la grâce de la fragilité d'une  naissance.
Que la naissance se fait toujours dans la fragilité.
Que vivre, c'est naître à chaque pas.
Dans le terreau de notre fragilité enfin acceptée.

« Donnez-moi un point d’appui hors du mode et je vous soulèverai le monde » aurait dit Archimède.
Ce point d’appui, à la fois hors du monde et qui vient à nous, c’est cette parole, ce cri dans la nuit !

Au commencement était la parole, et que dit cette parole ?
Un seul mot, pour tout résumer !
Et la parole dit : "lumière " !

C'est en ce moment que Dieu nous commence.
Pour faire triompher la  lumière.

7 fois, le mot lumière va rythmer notre texte.
Pour faire de nous des témoins de lumière.
Rien ne sert en effet de maudire l'obscurité : il vaut mieux allumer une lumière !

Survient pour nous une parole qui dit :
- lumière.

Et la lumière elle - même devient parole, elle qui vient de la parole.
A moins que cela ne soit l'inverse, mais qu'importe…. La lumière est parole, la parole est lumière.

7 fois la lumière, à l'image de cette Menora que j'allume de 7 bougies.
Clin d'œil avec nos frères aînés dans la foi.

7 fois le mot lumière, comme pour faire écho est 7 TOV qui rythmèrent les 7 jours de la création !
Tov, en hébreu ce qui est bien, beau, bon. Tov, encore le projet de Dieu pour nous.
Au 7 TOV répondent les 7 fois lumière de notre prologue.
Lumière, qui nous convie désormais à vivre l'ordinaire en pèlerin de lumière[3].
Car telle est désormais notre tache : vivre l'ordinaire en pèlerin de lumière.

Mes amis, qu'y-a-t-il à faire ?
Mais rien, rien qu'à nous laisser faire, à nous laisser inonder de lumière, pour devenir, à notre tour, pèlerin de lumière.
Ho, pas de la lumière des super marchés, pas des lumières de nos villes ni de nos panneaux publicitaires, mais d'une autre lumière,
une lumière intérieur, pour nous éclairer du dedans !

Mes amis, qu'y-a-t-il à faire ?
Rien que d'ouvrir les portes de notre maison, et de laisser la Parole planter sa tente parmi nous, pour que nous soyons désormais habité de lumière…
J'ai dit en commençant que, cette nuit, il n'y avait pas même une étoile dans la nuit : et bien je me suis trompé : derrière les nuages, il y a toujours  les étoiles qui brillent…
C'est nous qui ne pouvons plus les voir !
Et aux costières hier soir, il y en avait, des étoiles dans les cœurs de tous ces bénévoles, venus de toutes nos églises de Nîmes.
Oui, ma sœur, mon frère, la lumière brille, en toi désormais.
Alors, Joyeux-Noël.
Amen.

Pasteur Jean-François Breyne.



[1] Voltaire, In Candide, Classiques de Poche,  p. 130, 131.
[2] Le mot  arch, qui signifie  le principe, le fondement, l'autorité, la direction, le chef, qui donne en français archétype par exemple.  
[3] D'après une très belle expression de Francine Carrillo. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire