Prédication
de Noël, Oratoire 2013.
Texte biblique : Jean 1, 1 à 18.
Je ne voudrais pas casser
l'ambiance, mais il m'arrive de me demander :
-
que faisons-nous
ici ?
-
que faisons-nous,
Noël après Noël, à fêter l'anniversaire d'une naissance qui pourtant ne semble
ne rien avoir changée !
-
et puis, cette
nuit, pas même d'étoile dans la nuit : rien que pluie et tempête…
"je trouve que tout va
de travers chez nous…
que plus personne ne sait ce
qu'il fait ou ce qu'il doit faire…
tout le temps se passe en querelle…
tout n'est que guerre
éternelle…[1]"
!
C'est Voltaire qui , en 1758
déjà, écrivait ces mots qui semblent bien toujours d'actualité !
Oui, comment fêter Noël, au
cœur du désastre,
alors que la souffrance, la
séparation, la maladie,
le deuil nous terrasse ?
Comment fêter Noël alors que
la violence imbécile se déchaine encore et toujours partout, ou que l'on vient
de porter en terre sa grand-mère ?
Comment fêter Noël au milieu
du doute, du désespoir,
de la révolte ?
Comment fêter Noël alors même
que la foi devient, pour beaucoup de nos contemporains, synonyme de fanatisme
aveugle ou bien d'archaïsme pour demeurés mentaux ?
Mais au fait, qu'est-ce que
Noël ?
Chez nous, les Breyne, nous
avons un petit sapin, et lorsque l'on passe devant, il se met à chanter des
cantiques.
Cette année, nous ne l'avions
pas sorti, mais l'une de mes filles ( la plus grande) nous disait hier :
-
Pas de Noël sans
le sapin qui parle !
Car Noël, c'est le sapin qui chante !
Et bien, elle n'était pas
loin de l'essentiel : car Noël, n'est-ce pas cela d'abord : une parole qui nous
rejoint ?
En effet, s'il s'agissait non
pas tant de fêter l'anniversaire d'une naissance, que de nous déplacer pour
nous replacer devant l'essentiel ?
Essentiel qui est Parole
et lumière ?!
C'est vrai, la réalité de ce
monde, c'est l'homme qui est bien un loup pour l'homme ;
C'est la loi de la vie qui est la loi du plus fort,
la loi de la jungle !
Mais si cela n'était pas le dernier
mot sur notre humanité ?
Si de l'humain une autre
version était possible ?
Vieille histoire, encore une
fois :
Déjà, l'Evangile de Jean de
dire :
-
la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres
ne l'ont pas reçue…
et plus loin :
-
le monde ne l'a pas reçue !
Mais si Noël était encore autre
chose :
Non pas l'anniversaire de
quelque chose qui s'est passé hier, il y a 2000 ans, mais l'annonce de quelque
chose qui vient, qui survient, aujourd'hui, dans nos vies, et qui peut tout
bouleverser ?
Non pas hier, mais
aujourd'hui, pour demain ?
"Au commencement était
la parole…. "
Au commencement ?
Là se tient, confortablement
tapie au creux du langage, le plus terrible piège de l'interprétation de ce
texte !
Car le mot grec traduit
habituellement par commencement
signifie aussi , et d'abord : le principe,
le fondement, l'autorité, la direction.[2]
Et s'il nous fallait
comprendre les choses autrement ?
Et si ce prologue de
l'évangile de Jean ne nous disait pas le commencement, mais le projet de Dieu pour l'homme ?
Le fondement, la direction ?
De même que les premiers récits de la Genèse ne
racontent pas l'origine du monde mais indiquent
un projet et se font parabole de notre condition humaine.
De même, le Prologue ne dit pas tant hier, qu'il déchire le présent pour en faire
surgir un autrement possible.
L'avez-vous remarqué ?
Dans l'Evangile de Jean, pas
de crèche, pas d'étable,
pas de berger et de mages…
pas même de Joseph qui rêve !
Rien de ce qui fait nos
contes d'enfants, pas de belles histoires ni même d'étoile dans la nuit….
Mais un chant dans la nuit de nos vies…!
Ce texte étrange et comme
étranger,
ces premiers versets de Jean
ne ressemblent pas à ce que nous avons l'habitude de lire dans nos évangiles.
Pas de récit, pas de
parabole, pas d'enseignement :
mais un chant, un hymne, un
poème.
Ces premiers versets de Jean,
en grec, prennent la forme d'un poème lyrique, parfaitement construit selon les
règles de la poésie grecque de l'époque, parfaitement rythmé ….
Ainsi, Tout commence, chez
Jean, par un poème, un hymne, un chant….
Un chant dans la nuit !
Pour nous dire quoi ?
Qu'il ne nous suffit pas
d'être né pour être humain !
Encore faut-il qu'une Parole
nous rejoigne et nous appelle à être.
Que vivre est un "devoir
être",
contre l'obscurité et les
ténèbres.
Contre la souffrance et la
fatalité.
Contre toutes nos
condamnations à vivre,
Contre nos enfermements, nos
apparences et nos faux semblants !
Et cela, par la seule force d'une parole reçue,
comme un chant dans la nuit !
Au commencement, au point où
les vagues de notre pensée se brisent,
au commencement, donc, était la parole.
Ou plutôt non : au
commencement était un cri d'enfant.
Un cri d'enfant nouveau né.
Ou plutôt, non : aujourd'hui,
retentit le cri de l'enfant nouveau né,
Puisque c'est en ce moment qu'il nous commence.
Et le cri déchire l'obscurité.
Et ce cri nous fait tous,
chacun d'entre nous, fils, fille d'une parole.
Ceux là ne sont pas nés
d'eux-mêmes…
Ceux là naissent d'un appel !
L'appel de la vie ;
L'appel de Dieu à la vie.
Ce cri ne vient pas de nous,
mais de l'Ailleurs.
Ce cri nous fonde et nous
appelle à être.
Mes amis, vous le savez, on
ne naît pas humain, on le devient, par la seule force d'une parole reçue, qui
nous invite à être,
autrement que par la loi du
plus fort qui est la loi de la jungle.
Car si la loi de la jungle
est bien la loi de la vie,
entrer en humanité, c'est
autre chose.
C'est découvrir la grâce de
la fragilité d'une naissance.
Que la naissance se fait
toujours dans la fragilité.
Que vivre, c'est naître à chaque pas.
Dans le terreau de notre fragilité enfin acceptée.
« Donnez-moi un point d’appui hors du mode et je vous soulèverai le monde
» aurait dit Archimède.
Ce point d’appui, à la fois
hors du monde et qui vient à nous, c’est cette parole, ce cri dans la nuit !
Au commencement était la parole, et que dit cette parole ?
Un seul mot, pour tout
résumer !
Et la parole dit : "lumière
" !
C'est en ce moment que Dieu nous commence.
Pour faire triompher la lumière.
7 fois, le mot lumière va rythmer notre texte.
Pour faire de nous des
témoins de lumière.
Rien ne sert en effet de
maudire l'obscurité : il vaut mieux allumer une lumière !
Survient
pour nous une parole qui dit :
-
lumière.
Et
la lumière elle - même devient parole, elle qui vient de la parole.
A
moins que cela ne soit l'inverse, mais qu'importe…. La lumière est parole, la
parole est lumière.
7 fois la lumière, à l'image
de cette Menora que j'allume de 7
bougies.
Clin d'œil avec nos frères aînés dans la foi.
7 fois le mot lumière, comme
pour faire écho est 7 TOV qui
rythmèrent les 7 jours de la création !
Tov, en
hébreu ce qui est bien, beau, bon. Tov,
encore le projet de Dieu pour nous.
Au 7 TOV répondent les 7 fois lumière
de notre prologue.
Lumière, qui nous convie
désormais à vivre l'ordinaire en pèlerin
de lumière[3].
Car telle est désormais notre
tache : vivre l'ordinaire en pèlerin de lumière.
Mes amis, qu'y-a-t-il à faire
?
Mais rien, rien qu'à nous
laisser faire, à nous laisser inonder de lumière, pour devenir, à notre tour,
pèlerin de lumière.
Ho, pas de la lumière des
super marchés, pas des lumières de nos villes ni de nos panneaux publicitaires,
mais d'une autre lumière,
une lumière intérieur, pour
nous éclairer du dedans !
Mes amis, qu'y-a-t-il à faire
?
Rien que d'ouvrir les portes
de notre maison, et de laisser la Parole planter sa tente parmi nous, pour que
nous soyons désormais habité de lumière…
J'ai dit en commençant que,
cette nuit, il n'y avait pas même une étoile dans la nuit : et bien je me suis
trompé : derrière les nuages, il y a toujours les étoiles qui brillent…
C'est nous qui ne pouvons
plus les voir !
Et aux costières hier soir,
il y en avait, des étoiles dans les cœurs de tous ces bénévoles, venus de
toutes nos églises de Nîmes.
Oui, ma sœur, mon frère, la lumière
brille, en toi désormais.
Alors, Joyeux-Noël.
Amen.
Pasteur Jean-François Breyne.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire