Le "sermon du Boogie-woogie",
temple du Mas des Abeilles, le 11 janvier 2014
Actes 3, 1 à 11.
Cette prédication a été donnée à
l'occasion d'un culte "musical" ;
Avant de lire ce texte, il vous faut
écouter le "sermon du Boogie-woogie", par Eddy Mitchell.
http://www.ina.fr/video/I07151961
Un sermon qui n’en est pas un !
Mais qu’est-ce qu’un "sermon" ?
Étymologiquement, c’est une discussion,
un discours, une parole partagée sur.
Nous préférons, aujourd’hui, le terme
de "prédication", car le mot sermon est devenu synonyme de discours
moral, long et fatigant ;
"Prédication", du latin predicare, qui signifie proclamer, dire
devant.
Les catholiques aujourd’hui parlent
"d’homélie", du grec omileô (omilew) , qui signifie "conversation".
Les mots ont changé avec l’histoire, à
une époque (la Renaissance) on a même
parlé de "prône" (du latin praeco,
publication publique).
Mais qu’importent les mots.
La question que nous pose la chanson
est : un sermon, qu’est-ce que c’est ?
Avant d’aller plus loin, une parenthèse
historique.
Avant l’an mille, on ne prêchait guère
dans les églises, seuls les évêques avaient ce privilège.
Il faudra attendre la Réforme dite Grégorienne
pour que l’on forme le clergé séculier et que l’on commence, un peu, à prêcher,
avec le 12ème siècle et la naissance des ordres mendiants et
prêcheurs, franciscains et dominicains.
Alors, la prédication fait
véritablement son apparition en Occident. Mais elle reste rare. Ce n’est
qu’avec la Réforme protestante qu’elle devient systématique à chaque culte et
que, surtout, elle prend la place centrale que l’on sait.
Mais revenons à notre question :
C’est quoi, une prédication ?
Eh bien, c’est tout le contraire du
sermon du boogie-woogie !
Car le sermon du boogie-woogie est un sermon
Contre,
une
parole qui dit ce qu’il faut faire, en
l’occurrence ici ce qu’il ne faut pas faire.
Et force est de constater que Eddy
Mitchell ne caricature pas tant que cela.
Longtemps, trop longtemps, la
prédication fut comprise comme un discours
qui dénonce et surtout qui prescrit une attitude, un comportement, une
praxis.
A l’image d’une Eglise qui souvent s’est comprise et complue dans ce rôle-là : prescrire une
morale.
Et là, je m’interroge et même je
m’insurge : comment avons-nous fait
pour autant trahir le message originel
de l’Evangile ?
Comment avons-nous fait pour transformer
la Bonne Nouvelle en… mauvaise
nouvelle ?
Où l’amour, en effet, est devenu
« péché mortel » ?
Cette petite phrase du texte dénonce
bien, selon moi, le court-circuit qui a fait disjoncter les Eglises pour
parvenir au 19ème siècle à cette image terrible de l’Evangile :
une parole qui condamne et qui interdit.
« Nous sommes devenus des
chrétiens perpétuellement en carême, des chrétiens sans Pâques »…
Et c’est le nouveau Pape François,
lui-même, qui le dit en ces termes !
Il nous faut, je le crois, je le sens,
je le veux, revenir à la racine même de l’Evangile,
Au ressort premier de la Bonne Nouvelle :
Dans
toutes nos condamnations, une Parole
vient nous libérer et nous relever pour nous remettre en marche.
Alors si la prédication chrétienne
authentique ne peut pas être une parole contre, quelle est-elle ?
Une
parole pour,
Une
parole qui dit le bien et le beau possibles, par-delà nos échecs, nos violences
et nos deuils.
Une
parole qui désigne un orient, un horizon, une personne :
Christ et
Sa Parole.
Au cœur de toute prédication chrétienne
authentique,
Il ne peut pas ne pas y avoir
Christ et Sa Parole !
Mais attention : L’Evangile se trouve
aussi dans l’Ancien Testament ; par
exemple : Abraham et la parole qu’il reçoit : va et sois bénédiction (Gn. 12, 2)
De
sorte que le sermon du Boogie-woogie n’est pas un sermon car il ne part pas des
Ecritures et ne vise pas à faire
résonner une parole d’Evangile.
Et,
hors de cela, pas de prédication
chrétienne authentique !
Il
me faut donc, tout de suite, m’arrêter et revenir au texte biblique.
Je vous propose d'écouter la lecture du
livre des Actes, au chapitre 3, les
versets 1 à 11.
C’est la première prédication
chrétienne !
Une seule parole, deux verbes :
« Lève-toi
et marche »
Là,
dans ces deux verbes, tout est dit.
Tout est résumé,
Tout est proclamé.
Toute prédication chrétienne
authentique partira toujours de cela, car ces mots ne sont pas ceux de Pierre
mais du Christ lui-même et renverront toujours à cette même Parole, promesse
pour chacun, chacune d’entre nous.
Nous invitant à mettre nos pas dans
ceux du Christ qui relève et qui met en marche.
2 verbes :
Relever et marcher
Le premier, en grec, est le même que
celui que nous traduisons parfois par résurrection ( egeirô, egeirw) :
-
"Ressuscite", dit
Pierre car l’homme ne naît pas humain, il le devient, à chaque pas, il naît.
Vivre,
c’est naître à chaque pas,
C’est ressusciter à chaque
pas…
-
Et marche !
A l’image de Jésus, "l’homme qui
marche".
Car notre vie sera toujours une marche,
en funambule, par-dessus le tragique et l’absurde,
par la seule force de cette Parole
reçue et qui nous met en marche.
Et cela ne peut qu’immanquablement nous conduire à la
louange ; pas à la condamnation.
« L’homme entra avec eux dans le
temple, marchant, bondissant et louant Dieu », nous précise le texte.
L’homme ne condamne rien : il loue.
De sorte que toute prédication est
toujours et d’abord louange !
Bien sûr, elle est aussi, parfois une parole qui fait rupture, une parole
d’arrachement.
Car il faut toute la force de la Parole
pour nous arracher à la tyrannie des apparences et des évidences, mais la
finalité sera toujours la bénédiction.
( Cf. le verset 26 du discours de Pierre qui suit notre récit).
Ainsi, la prédication, c’est
fondamentalement une interprétation de la parole de l’Evangile qui vise à
réorienter nos vies vers l’essentiel :
La vie !
La vie plus forte que la mort !
Pour le dire d’une façon plus
pieuse et théologique, vers Christ,
vainqueur de la mort.
Mais allons plus loin.
Qu’est ce qui a permis à Pierre sa
première prédication de 2 mots :
Le regard
Notre texte dit de Pierre et de Jean :
"Fixant les yeux sur lui" !
Pierre et Jean ne sont pas passés sans
voir.
Ils ont risqué le regard,
Ils ont risqué la rencontre.
Et cette rencontre a provoqué leur première prédication.
Ainsi, la prédication chrétienne
authentique sera toujours aussi une rencontre avec l’homme à qui elle parle.
Cette rencontre avec vous, avec toi et
toi et toi,
avec chacun d’entre nous.
De sorte que nous pouvons dire que la
prédication est le confluent d’une
double interprétation :
celle
de la parole de l'Evangile,
et
celle de notre commune humanité.
Avec comme finalité, toujours, de
changer notre regard,
pour découvrir qu’à la place d’une
parole qui condamne,
une parole qui relève est possible,
et que l’autre, le différent, le
gênant, peut aussi être relevé, si je risque un autre regard sur lui.
Revenons au sermon du Boogie-woogie..
Pour être authentique, il aurait dû
dire :
L’Evangile me l’a dit
L’amour, quoi qu’il arrive
Sera plus fort que la mort
Cette nouvelle, il me faut l’annoncer à ma paroisse.
Davantage de Boogie-woogie avec nos prières du soir
Davantage de Boogie-woogie, Davantage de Boogie-woogie
Faites toujours davantage de Boogie-woogie avec vos prières
du soir
Maintenant l’amour est devenu notre seule lumière
Ne trahissez pas notre Père Eternel
Davantage de Boogie-woogie avec nos prières du soir…
Je pourrais continuer le pastiche, mais
à quoi bon…..
Mes amis, dire que l’amour est notre
seule lumière,
notre seul orient, c’est juste.
C’est tout l’Evangile.
Mais c’est encore ne rien dire du tout
en même temps.
Car qu’est-ce qu’aimer ?
en vérité ?
Lorsque le tragique et l'absurde
s’ouvrent sous nos pas,
que trahison et impuissance nous
terrassent ?
Il nous faudra toute une vie pour
tenter d’en vivre,
et une prédication par semaine ne sera
pas de trop pour permettre de ne pas perdre l’équilibre et garder le cap.
Car
vivre est un travail de funambule,
relevé
pour marcher sur le fil ténu de l’amour,
par-dessus
l’abîme du tragique et de la mort,
cette Parole venue d’ailleurs…
Et cela au rythme du boogie-woogie …
Quelle aventure ?
Quelle extraordinaire aventure !
Qu’il nous en soit ainsi.
Pasteur Jean-François Breyne
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