samedi 18 juillet 2015

Prédication lors du "Culte Gospel" du 21 juin 2015,
au temple de l'Oratoire. Marc 4, 35 à 41.


Des tempêtes il y en a, dans la vie des hommes ;
Des tempêtes il y en eut,
Des tempêtes il y en aura encore, dans la vie des hommes.

Lorsque les vagues du chagrin et de la souffrance viennent se jeter  sur notre barque,
Lorsque les vagues de l’intégrisme et du fanatisme viennent se jeter sur notre barque,
Lorsque la folie raciste, meurtrière et imbécile vient se jeter contre notre barque,
Lorsque la faim et la guerre viennent jeter des barques remplies d’assoiffés contre nos rives…
Oui, des tempêtes il y en a, dans la vie des hommes…

Peut-être même que la vie humaine n’est qu’une vaste traversée de tempêtes ?
Et la première constatation qui s’impose, c’est que notre foi elle-même n’y peut rien, dans un premier temps.
Car il  faut que nous le sachions :
Notre foi ne nous épargne rien :
Ni la souffrance, ni les deuils, ni les vagues de la fureur du monde qui viennent nous briser en fureur ou  en silence, c’est selon…
Et oui, si souvent, trop souvent, Christ semble bien dormir, sur son coussin, nous laissant seul avec nos peurs et la fureur des flots…

Seconde constatation. Les tempêtes ne sont pas d’aujourd’hui.
Elles sont de toujours.
La tentation souvent est grande d’accuser notre temps d’être pire qu’hier… et de dire que tout fout le camp…
Mais il n’est que de relire notre vieille Bible pour voir que c’est de tout temps que tout fout le camp… depuis la création même du monde.
Car des tempêtes il y en a, dans la vie des hommes ;
Des tempêtes il y en eut,
Des tempêtes il y en aura encore, dans la vie des hommes.

Et là, devant tant de fureur des flots déchaînés, là, toujours, surgit la peur. Et ce sera mon 3ème point.
Notre peur devant ce monde que nous ne parvenons plus à comprendre,
Notre peur devant cette foi elle-même que nous ne parvenons plus à comprendre,
Notre peur devant ces deuils qui nous ravagent en silence…
Oui, comme le dit admirablement le pasteur Dietrich Bonhoeffer,
La peur est dans le bateau ! pourtant, poursuit-il, « la Bible, l’Evangile, le Christ, la foi sont comme un cri de guerre contre la peur ! La peur est l’ennemi originel.
Elle est installée au cœur de l’homme ; elle le mine, jusqu’à ce que sa résistance et sa force s’écroulent. Tous les liens qui relient l’homme avec Dieu et avec autrui, elle les ronge …
Tout d’un coup il ne voit et n’entend plus rien, il ne peut plus ramer, une vague l’entraîne, et comme pour un dernier appel au secours, il s’écrie : « qui es-tu, inconnu, dans le bateau ? » Et celui-ci répond : «  je suis la peur ».
Mais alors, c’est comme si les cieux se déchiraient, comme si les légions célestes elles-mêmes entonnaient le cri de victoire : NON ! Christ est dans le bateau !
Christ est dans le bateau !
À peine ce cri a-t-il été poussé, et entendu, que la peur s’en va, les vagues reculent, la mer devient calme, et le bateau vogue sur une mer paisible.
Christ est dans le bateau[1].

Christ est dans le bateau.
Même  s’il dort : Christ est dans le bateau.

Voilà l’Evangile. Voilà la bonne nouvelle.
Et tout redevient possible.
La traversée peut reprendre.
Parce que nous savons que X est dans le bateau.
Même s’il dort !
Alors, si des tempêtes il y en a, dans la vie des hommes, elles sont aussi l’occasion de redécouvrir, émerveillé, que nous n’y sommes pas seuls, mais que X est dans le bateau.
Il y a d’ailleurs, au début de notre récit, plusieurs barques, et puis la focale se resserre sur la barque qui s’affronte à la tempête, où pourtant Christ est dans le bateau…
Mais je voudrais encore évoquer pour finir une question, une question toute bête :
Que vient faire ce coussin dans récit de la tempête apaisée?
Le texte nous dit : « il (le Christ) dormait à la poupe, sur un coussin ».
Le mot grec ici employé n’apparaît nulle part  ailleurs dans tout le NT.
Que vient donc faire ce coussin, alors que nous pouvons lire d’autre part que le Christ n’avait pas de quoi reposer sa tête, pas même une pierre ?
Un coussin. Sur une barque de pécheurs pauvres, il y a 2000 ans ?
Un coussin, dont Jean Valette dira, dans son commentaire sur Marc :
«  Le sommeil, relativement confortable du Maître, tranche ironiquement sur l’agitation des eaux et celle des disciples[2] ». J’aurais tellement aimé poursuivre cette discussion avec Jean.
Alors laissez moi la poursuivre un instant encore avec vous :
Et si la mention du coussin était là pour dire le repos possible, fût-ce au cœur même de la tempête ? La tendresse dans la barque, le repos promis, le repos offert, parce que Christ est dans le bateau, et qu'en son absence il nous reste le coussin ?
Jean m’aurait sûrement demandé s’il n’était pas un peu rembourré de pélous, mon coussin...

Alors puissions-nous être de ceux qui osent reprendre la route, fût-ce au cœur même de la tempête, par la seule grâce d’un coussin laissé là comme par hasard...


Jean-François Breyne



[1] Extrait d’une prédication de Bonhoeffer, in Si je n’ai pas l’amour, Genève, 1972, Labor et Fides, p. 26-27-28.

[2] In L’Evangile de Marc, commentaire T. I, Les Bergers et les Mages, p. 125.

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