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mai 2014. MDA . Jean 10, 1 à 10
Ha,
quel beau texte.
Et
pourtant, pas si évident que cela !!!!!!
Je
suis le bon berger, et puis quelques versets plus loin : je suis la porte.
Alors,
il faut savoir : porte ou berger ?
Et
puis, Jean mélange ici les genres littéraires, commençant par une parabole,
puis une allégorie, le tout sur un ton de controverse. C'est à y perdre, sinon
son latin, du moins son grec !
Je
suis le bon berger, et puis quelques versets plus loin : je suis la porte.
Alors,
il faut savoir : porte ou berger ?
C’est
comme si l’Evangile jouait et se jouait de nos représentations.
Comme
pour nous dire : attention !
Tous
ces mots ne sont que des images, des panneaux indicateurs pour notre foi ;
mais le Maître ne saurait être enfermé dans l’une ou l’autre de ces images.
Il
faut conjuguer ensemble l’image de la porte et du berger.
Car
l’une donne sens à l’autre.
L’image
de la porte dit le mouvement, le passage.
Et
c’est donc ainsi que doit être abordée l’image du berger.
Arrêtons-nous
un instant sur cette image du berger.
C'est,
le saviez-vous, l'une des plus anciennes représentations connues du Christ dans
l'iconographie chrétienne…
Elle
provient de la catacombe Sainte Priscille à Rome, et date du 3ème siècle.
Mais
l'image en fait est polysémique, ambigüe :
Car
dans la culture de l'AT, le berger, c'est tout à la fois Dieu lui-même :
l'Eternel est mon berger, du Psaume 23, mais cela évoque aussi, chez les prophètes, l'image du mauvais
prêtre, du mauvais… pasteur. Du mauvais
politique :
Lecture
de Ezéchiel 34.
Et
c'est dans ce contexte polémique que Jean ajoute : le bon, le beau berger…
Car
le piège du berger, ce serait celui du gourou : entendez un berger qui
garde tout à lui, un berger jaloux de
son troupeau et de ses prérogatives.
Un
berger qui appelle, mais pour garder, mais qui ne laisse pas repartir. Un
berger qui tond et qui se sert.
Alors
que le berger de l’évangile représente tout le contraire : il est celui
qui appelle « pour conduire dehors ».
Il
y a dans ce texte d’évangile un formidable appel au mouvement, au voyage de la
foi, au risque.
Et
c’est ce que dit l'image de la porte.
La
porte dit le mouvement, la porte dit le passage.
Imaginez
une maison sans porte : cela n’existe pas.
Même
les prisons ont une porte.
La
porte. Lieu de passage, lieu d’allée et venue.
Comme
pour nous suggérer que la foi est aussi un voyage, un passage, une pâque (pessah,
passage), un va et vient, une dynamique de vie.
« Il
appelle chacun des moutons par son nom et les conduit dehors ».
Non
pas dedans, non pas dans l’enclos rassurant du sérail,
Mais
dehors, en plein vent, dans les risques de la vie réelle.
Avec
le berger – porte, il est question de voyage, de sortie, de risque, de voleurs
et de brigands.
L’évangile
nous présente un chrétien en plein vent, à la proue du monde, présent dans les
réalités de la vie et ses ambiguïtés.
L’évangile
nous présente un chrétien « libre d’entrer et de sortir, de douter ou de
faire confiance », sans piège ni péage.
En
bref, un chemin de liberté.
Le
berger-porte nous le dit :
-
Sors. Ne te
recroqueville pas. Ne t’enferme pas. Ne fais pas de ta foi un prétexte à
l’enfermement.
-
Car la foi est
sortie, la foi est cheminement, la foi est passage.
Il
faut le noter : le berger dont il est ici question est sensiblement
différent du berger du psaume 23 : point ici question d’images de repos, de verts pâturages, d’eau
paisible.
Mais
avec le berger – porte, il est question de voyage, de sortie, de risque, de
voleurs, de brigands et de loups.
Point
d'image bucolique, mais la dure réalité de la vie, avec ses rapines et ses
brigandages.
Et
pourtant, nous pouvons oser sortir.
Hors
de l'enclos. Voilà la bonne nouvelle.
Hors
de l’enclos.
Arrêtons-nous
un instant sur ce mot : aulh, en grec, qui n’apparaît que 3 fois chez Jean : deux
fois dans notre passage, et une fois au chapitre 18, où il désigne alors la
cour du grand prêtre. Car le mot n'évoque pas n'importe quel enclos ; nous le
retrouvons dans la LXX où il désigne la cour du temple, ou la cour qui se
trouve devant la tente de la rencontre.
Ainsi,
c'est bien de la cour du temple qu'il s'agit.
De
l'enclos ecclésiastique.
Et
nous en avons besoin. Et Jésus en est bien la porte.
Mais
l'enclos n'est pas là pour garder à soi : il est là pour permettre la sortie
vers la vie.
Il
n'est pas là pour enfermer, mais pour offrir le lieu du ressourcement ;
Il
n'est pas là pour être le but, mais pour offrir protection et repos possible.
Mais
la vie est dans la marche, dans le dehors, dans l'extérieur.
Dès
le chapitre 2 du 4ème Evangile, Jésus nous dit qu'il est le
véritable temple. Et il en est désormais la porte, l'ouverture, la brèche, pour
permettre le passage.
Passage,
de la nuit de l’échec au jour de la confiance.
Passage,
de tous nos deuils à la vie possible, à la vie offerte.
Passage,
de la rancœur au pardon possible,
Passage,
d’une culture de la violence à une théologie de la tendresse.
Passage,
de la haine à l’amour promis,
Passage,
du désespoir à l’espérance,
Passage,
de la trahison, du reniement au relèvement, passage, de l’enfermement de nos
échecs à la porte ouverte de la vie.
OUI,
Mais comment ?
Par l’écoute.
« Les
brebis écoutent sa voix ».
Voilà
notre seule force, la racine de toute notre vie chrétienne : l’écoute.
Le
mot grec ici employé est celui qui dans la traduction grec de l’AT traduit le
mot hébreu "shema" : écoute,
Ecoute, Israël, écoute, qui est le premier mot de la prière que tout juif
dit chaque matin au réveil.
Voilà
le seul impératif catégorique de notre foi : écouter.
Les
autres, soi-même, et enfin écouter son
Dieu.
Ecouter,
pour pouvoir sortir, à la suite de la porte-berger.
Mais
revenons encore à notre berger – porte :
Qu'est-ce
qui caractérise le bon berger ?
-
Il entre par la
grande porte,
-
il appelle ses brebis par leur nom.
-
et il donne sa
vie pour elle.
1.
Il entre par la
porte
Avant
de nous dire qu'il est la porte, la parabole nous dit qu'il n'est pas celui qui
escalade la clôture, mais celui qui passe par la porte !
Qui
sont ces voleurs qui escaladent la clôture ? Mystère !
Mais
il y a je crois une mise en garde contre tous les discours par trop
ésotériques, qui voudraient nous faire croire que l'Evangile serait pour une élite intellectuelle, morale ou
initiatique.
Non.
L'Evangile passe par la porte. Pour tous.
2.
Il appelle par
son nom.
Et
le berger appelle. Par son nom. Toi. Moi. Nous.
Pour
aller et sortir vers la vie.
Ce
point me semble déterminant.
Car
il dit une vocation possible.
Nous
le savons, nous vivons tous d'une parole qui nous appelle à la vie.
Malheureux
celui qui n'entend pas cet appel, il est condamné à demeurer recroquevillé sur
lui-même.
Mais
heureux, en marche, celui qui entend une voix qui l'appelle à la vie. Par son
nom.
Car
toute vocation est toujours nominative, personnelle, individuelle.
Qu'importe
la caste, le rang, l'ordre, l'histoire familiale : chacun est appelé par son
nom,
non pas pour ce qu'il est,
mais pour ce qu'il est appelé à devenir
!
Le
drame de certaines périodes de nos vies, c'est justement lorsque tout appel
semble tari, devenu muet…
Mais
le bon berger, lui, est celui qui nous appelle, sans se lasser jamais… d'où
l'importance pour nous de l'Ecoute.
3.
Il donne sa vie
Et
enfin, il est celui qui donne sa vie.
Là,
le renversement est total.
L'image
s'achèvera chez Jean par celle du lavement des pieds.
Le
Christ serviteur, celui qui va jusqu'au bout du don, pour que le pardon et la
vie triomphent.
Nous,
je l'ai dit, nous n'avons que nos oreilles et nos cœurs pour tenter d'en vivre.
Dans
sa suivance, comme l'aurait dit D.
Bonhoeffer.
Pour
que notre vie soit, et qu'elle soit en abondance.
Amen
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