mardi 1 juillet 2014

10 mai 2014. MDA . Jean 10, 1 à 10



Ha, quel beau texte.
Et pourtant, pas si évident que cela !!!!!!

Je suis le bon berger, et puis quelques versets plus loin : je suis la porte.
Alors, il faut savoir : porte ou berger ?

Et puis, Jean mélange ici les genres littéraires, commençant par une parabole, puis une allégorie, le tout sur un ton de controverse. C'est à y perdre, sinon son latin, du moins son grec !

Je suis le bon berger, et puis quelques versets plus loin : je suis la porte.
Alors, il faut savoir : porte ou berger ?

C’est comme si l’Evangile jouait et se jouait de nos représentations.
Comme pour nous dire : attention !
Tous ces mots ne sont que des images, des panneaux indicateurs pour notre foi ; mais le Maître ne saurait être enfermé dans l’une ou l’autre de ces images.
Il faut conjuguer ensemble l’image de la porte et du berger.
Car l’une donne sens à l’autre.
L’image de la porte dit le mouvement, le passage.
Et c’est donc ainsi que doit être abordée l’image du berger.

Arrêtons-nous un instant sur cette image du berger.
C'est, le saviez-vous, l'une des plus anciennes représentations connues du Christ dans l'iconographie chrétienne…
 


 Elle provient de la catacombe Sainte Priscille à Rome, et date du 3ème  siècle.

Mais l'image en fait est polysémique, ambigüe :
Car dans la culture de l'AT, le berger, c'est tout à la fois Dieu lui-même : l'Eternel est mon berger,  du Psaume 23,  mais cela évoque aussi,  chez les prophètes, l'image du mauvais prêtre, du mauvais… pasteur.  Du mauvais politique :
Lecture de Ezéchiel  34.
Et c'est dans ce contexte polémique que Jean ajoute : le bon, le beau berger…

Car le piège du berger, ce serait celui du gourou : entendez un berger qui garde tout à lui, un  berger jaloux de son troupeau et de ses prérogatives.
Un berger qui appelle, mais pour garder, mais qui ne laisse pas repartir. Un berger qui tond et qui se sert.

Alors que le berger de l’évangile représente tout le contraire : il est celui qui appelle « pour conduire dehors ».

Il y a dans ce texte d’évangile un formidable appel au mouvement, au voyage de la foi, au risque.

Et c’est ce que dit l'image de la porte.
La porte dit le mouvement, la porte dit le passage.
Imaginez une maison sans porte : cela n’existe pas.
Même les prisons ont une porte.
La porte. Lieu de passage, lieu d’allée et venue.
Comme pour nous suggérer que la foi est aussi un voyage, un passage, une pâque (pessah, passage), un va et vient, une dynamique de vie.

« Il appelle chacun des moutons par son nom et les conduit dehors ».
Non pas dedans, non pas dans l’enclos rassurant du sérail,
Mais dehors, en plein vent, dans les risques de la vie réelle.
Avec le berger – porte, il est question de voyage, de sortie, de risque, de voleurs et de brigands.
L’évangile nous présente un chrétien en plein vent, à la proue du monde, présent dans les réalités de la vie et ses ambiguïtés.
L’évangile nous présente un chrétien « libre d’entrer et de sortir, de douter ou de faire confiance », sans piège ni péage.
En bref, un chemin de liberté.

Le berger-porte nous le dit :
-        Sors. Ne te recroqueville pas. Ne t’enferme pas. Ne fais pas de ta foi un prétexte à l’enfermement.
-        Car la foi est sortie, la foi est cheminement, la foi est passage.

Il faut le noter : le berger dont il est ici question est sensiblement différent du berger du psaume 23 : point ici question  d’images de repos, de verts pâturages, d’eau paisible.
Mais avec le berger – porte, il est question de voyage, de sortie, de risque, de voleurs, de brigands et de loups.

Point d'image bucolique, mais la dure réalité de la vie, avec ses rapines et ses brigandages.
Et pourtant, nous pouvons oser sortir.
Hors de l'enclos. Voilà la bonne nouvelle.

Hors de l’enclos.
Arrêtons-nous un instant sur ce mot : aulh, en grec, qui n’apparaît que 3 fois chez Jean : deux fois dans notre passage, et une fois au chapitre 18, où il désigne alors la cour du grand prêtre. Car le mot n'évoque pas n'importe quel enclos ; nous le retrouvons dans la LXX où il désigne la cour du temple, ou la cour qui se trouve devant la tente de la rencontre.
Ainsi, c'est bien de la cour du temple qu'il s'agit.
De l'enclos ecclésiastique.

Et nous en avons besoin. Et Jésus en est bien la porte.
Mais l'enclos n'est pas là pour garder à soi : il est là pour permettre la sortie vers la vie.
Il n'est pas là pour enfermer, mais pour offrir le lieu du ressourcement ;
Il n'est pas là pour être le but, mais pour offrir protection et repos possible.
Mais la vie est dans la marche, dans le dehors, dans l'extérieur.

Dès le chapitre 2 du 4ème Evangile, Jésus nous dit qu'il est le véritable temple. Et il en est désormais la porte, l'ouverture, la brèche, pour permettre le passage.

Passage, de la nuit de l’échec au jour de la confiance.
Passage, de tous nos deuils à la vie possible, à la vie offerte.
Passage, de la rancœur au pardon possible,
Passage, d’une culture de la violence à une théologie de la tendresse.
Passage, de la haine à l’amour promis,
Passage, du désespoir à l’espérance,
Passage, de la trahison, du reniement au relèvement, passage, de l’enfermement de nos échecs à la porte ouverte de la vie.


OUI, Mais comment ?
Par l’écoute.
« Les brebis écoutent sa voix ».
Voilà notre seule force, la racine de toute notre vie chrétienne : l’écoute.
Le mot grec ici employé est celui qui dans la traduction grec de l’AT traduit le mot hébreu "shema" : écoute,
Ecoute, Israël, écoute, qui est le premier mot de la prière que tout juif dit chaque matin au réveil.
Voilà le seul impératif catégorique de notre foi : écouter.
Les autres, soi-même,  et enfin écouter son Dieu.
Ecouter, pour pouvoir sortir, à la suite de la porte-berger.

Mais revenons encore à notre berger – porte :
Qu'est-ce qui caractérise le bon berger ?
-        Il entre par la grande porte,
-        il  appelle ses brebis  par leur nom.
-        et il donne sa vie pour elle.


1.     Il entre par la porte
Avant de nous dire qu'il est la porte, la parabole nous dit qu'il n'est pas celui qui escalade la clôture, mais celui qui passe par la porte !
Qui sont ces voleurs qui escaladent la clôture ? Mystère !
Mais il y a je crois une mise en garde contre tous les discours par trop ésotériques, qui voudraient nous faire croire que l'Evangile serait  pour une élite intellectuelle, morale ou initiatique.
Non. L'Evangile passe par la porte. Pour tous.

2.     Il appelle par son nom.
Et le berger appelle. Par son nom. Toi. Moi. Nous.
Pour aller et sortir vers la vie.
Ce point me semble déterminant.
Car il dit une vocation possible.
Nous le savons, nous vivons tous d'une parole qui nous appelle à la vie.
Malheureux celui qui n'entend pas cet appel, il est condamné à demeurer recroquevillé sur lui-même.
Mais heureux, en marche, celui qui entend une voix qui l'appelle à la vie. Par son nom.
Car toute vocation est toujours nominative, personnelle, individuelle.
Qu'importe la caste, le rang, l'ordre, l'histoire familiale : chacun est appelé par son nom,
non pas pour ce qu'il est,
mais pour ce qu'il est appelé à devenir !

Le drame de certaines périodes de nos vies, c'est justement lorsque tout appel semble tari, devenu muet…
Mais le bon berger, lui, est celui qui nous appelle, sans se lasser jamais… d'où l'importance pour nous de l'Ecoute.

3.     Il donne sa vie
Et enfin, il est celui qui donne sa vie.
Là, le renversement est total.
L'image s'achèvera chez Jean par celle du lavement des pieds.
Le Christ serviteur, celui qui va jusqu'au bout du don, pour que le pardon et la vie triomphent.  

Nous, je l'ai dit, nous n'avons que nos oreilles et nos cœurs pour tenter d'en vivre.
Dans sa suivance, comme l'aurait dit D. Bonhoeffer.  
Pour que notre vie soit, et qu'elle soit en abondance.



Amen 

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