mardi 21 avril 2015

 Prédication de Pâques 2015, 

à partir de Matthieu 28, 1 à 15. 


Rien chez Matthieu ne se passe comme ailleurs, chez Marc, Luc ou Jean.
Matthieu scénarise à l’excès,  il semble nous proposer une version  Métro Goldwyn Meyer  (ou YouTube pour les plus jeunes).
En fait, il répond à une sorte de théorie du complot : le bruit circule en effet que les disciples ont volé le corps, ce qui explique le tombeau vide : CQFD ; pas de résurrection, donc.
Comme s’il fallait une preuve.
C’est vrai que nous aimons les preuves…
Le vérifiable, le quantifiable…
Alors Matthieu en rajoute, semble-t-il.
Là où, dans les autres évangiles, les femmes trouvent la pierre roulée, ici, elles voient l’ange la rouler devant elles et après qu’elles s’en sont retournées, le Ressuscité leur apparaît  tout de suite, comme pour couper court à toute attente.
Il y a même une sorte d’urgence et un petit mot étonnant : Vite.
Vite   apparaît deux fois dans le récit :
Vite, allez dire aux disciples…
et  elles quittent vite le tombeau
Vite, avant toute manipulation,
toute récupération.

Alors Matthieu met aussi en scène cette garde au tombeau qui pourra attester que le corps n’a pas été volé.
Ces gardes qui se figent d’effroi devant l’ange du Seigneur.
Oui, mais voilà, Matthieu tombe peut-être ainsi dans un piège, car à trop vouloir en faire, on tend le bâton pour se faire battre…
Car il y aura toujours d’autres témoins, d’autres preuves, pour venir infirmer ceci ou cela.

Amis, la foi, en vérité n’a que faire de preuve.
La preuve de l’air, ce n’est pas son analyse chimique, c’est qu’on puisse le respirer et en vivre.
La preuve de l’amour ce n’est pas dans les angoissants : « dis-moi que tu m’aimes » mais c’est qu’il nous fait vivre…
Le baptême de Nicolas n’est pas la preuve qu’il est désormais chrétien, mais tout au contraire un appel, une incitation, un cadeau offert à ouvrir, découvrir et partager

La foi en vérité n’a que faire de la preuve :
Elle est expérience
Elle est fiance, confiance, une sorte de « malgré nous » qui nous saisit et nous transporte…
Mais Matthieu en fait des tonnes.
Il en fait tellement Matthieu qu’il met même en scène un tremblement de terre…
Rien que cela !
Pas de tremblement de terre, bien sûr, au matin de Pâques chez Marc, Luc et Jean.
Mais pour Matthieu, la terre elle-même tremble, un « seismos » nous dit-il…
Je ne sais pas vous, mais moi, je n’ai pas senti de tremblement de terre, ce matin….
Bizarre pourtant cette précision
Le tremblement de terre est, dans les Evangiles, le signe annonciateur de la fin des temps.
Pourtant, depuis 2000 ans, le monde continue avec son lot de monstruosité, de souffrance, de folie.
Mais aussi de beauté, de don, de tendresse, de confiance.

Alors pourquoi ce tremblement de terre chez Matthieu au matin de Pâques ?
Que veut- il dire ? Que veut-il nous dire ?
Mais allons plus loin…
En fait,  les tremblements de terre,  nous les connaissons bien dans nos vies. Trop  bien même.
Car oui, souvent, la terre tremble
Oh ! je ne parle pas de tsunami  ni d’autres catastrophes naturelles.
Non ! 
Je parle de tous ces tremblements de terre lorsque vacillent toutes nos convictions, toutes nos certitudes, tout ce en quoi nous croyons
Tout ce que nous avons construit…

Je parle de ce tremblement de terre lorsque la maladie grave survient et que la terre semble se dérober sous nos pas.

Je parle de ce tremblement de terre lorsque le deuil frappe et que l’abîme de l’absence s’ouvre sous nos pas.

Je parle de ce tremblement de terre lorsque la folie prend possession de la vie et que l’on bascule dans un trou sans fond.

Je parle de ce tremblement de terre lorsque l’amour s’est tari dans le cœur et que le gouffre du néant et du désespoir nous appelle de sa béance.

Allons, en fait, les tremblements de terre nous les affrontons sans cesse. Ils nous meurtrissent en silence ou à grands cris, c’est selon, mais toujours nous laissent pantelants et épuisés.
Mais notre tremblement de ce matin est d’un autre ordre.
Car au lieu de détruire, il recrée ;
Au lieu de d’écraser,  il ouvre.
Au lieu de signer la fin, il signe un commencement nouveau.

Etrange tremblement de terre de Pâques qui, en fait, est un anti tremblement de terre,
qui ouvre le tombeau
non pour en faire sortir la mort
mais pour faire jaillir une parole de vie.

Car notre tremblement de terre est précurseur d’une Parole :
d’une double parole :
-        Celle de l’ange
-        Celle du Christ

Et le tremblement de terre pascal se fait mouvement,
il met en route, vite :
On va, on vient,
on s’agite
on court.
Tout cela à cause de ce tremblement de terre qui a libéré une Parole plus forte  que la mort elle-même.

Une parole qui dit 2 choses (toujours la même) :
L’ange tout d’abord, puis le Christ :
-        «  n’ayez pas peur »
et
-        « allez » !

Allez, car une  vie est désormais possible, libérée de la peur.

Allez, allez dire, partagez l’impensable.

« A la fine pointe de l’espérance
Tremble une promesse
Qui inonde l’aujourd’hui.
Une parole neuve dessine
un nouveau premier matin du monde.
Ce qui s’annonce là fait sourire les revenus de tout, les anesthésiés du désir qui renoncent à espérer par peur de se blesser.
Mais ceux qui écoutent l’irréductible bonté 
malgré la vigueur  de l’ombre 
et la persévérance du mal,
ceux qui restent, envers et contre tout, 
ouverts à ce qui survient et garde place,  
au plus profond de leur cœur,  
pour le sel et la lumière, 
ceux-là sont en devenir de résurrection ! » (Francine Carrillo in L’Imprononçable).

Voilà, le tremblement de terre nouveau qui nous ébranle au plus profond, au tréfonds de nous-même, laissant juste ce qu’il faut de faille pour que jaillisse la parole :
N’ayez pas peur,
Et Allez
Et tant pis pour les complots, les mensonges, les calomnies des grands prêtres et les dessous de table des puissants,
Nous, nous pouvons désormais nous tenir debout, fusse au pied de la tombe de l’être aimé et pourtant reprendre route, chancelants, pantelants, trébuchants.
Et pourtant vivants par la seule force de cette Parole reçue, de cette lumière entrevue
dans le bouleversement de ce tremblement de terre qu’est, pour nous, l’expérience de Pâques.

Alors, ma sœur
mon frère

En marche
en avant
et n’aie pas peur :
Un Autre t’appelle
                 t’attend et
                                    t’accompagne.


      Amen

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