vendredi 9 janvier 2015

Le texte lu à l'occasion des Voeux du Comité inter religieux Nîmois sur la fraternité, qui prend une dimension encore plus urgente...

La Fraternité. Vœux pour la nouvelle Année 2015.
le 4 janvier !

Mesdames, Messieurs,

Souvent, lorsque l'on parle de dialogue inter religieux, on invoque le « vivre ensemble ».
Nous-mêmes, à l'occasion de la collecte de sang que nous avons organisé avec l'EFS le 23 décembre, expliquions ainsi notre démarche : "Si ton sang est bon pour sauver ma vie, et si mon sang peut sauver la tienne, cela montre que nous pouvons vivre ensemble la fraternité".

Pourtant, ce soir, nous nous interrogeons : Et s'il s'agissait pour nous moins de dire un "vivre ensemble possible", que de promouvoir un "construire ensemble", un "bâtir ensemble" ?
Car en fait,  la fraternité ne va pas de soi.
Elle demande de notre part à tous, quelque soit notre religion ou simplement nos convictions, un effort, un travail, oserais-je le mot : un combat spirituel.
Oui, lutter contre toute tentation de replis sur soi,
lutter contre toute velléité d'exclusion,
lutter contre toute suffisance et prétention à une hégémonie  religieuse.
Un combat avec soi-même, n'est-ce pas cela, d'ailleurs,  auquel tous nous sommes appelés : lutter contre toutes les violences,  contre tout ce qui bafoue la dignité de l'homme et sa liberté ?

Oui, la fraternité ne va pas de soi.
Elle est un projet, une revendication, une promesse.
Dans nos textes fondateurs, que cela soit la Thora juive, livre que les chrétiens reconnaissent aussi comme leur Premier Testament,
ou dans le Coran, la fraternité commence … dans le sang versé !
Car la fratrie est mise à mal dès le début de la Bible avec  Caïn et Abel ; et cela ne continue pas mieux  avec Isaac et Ismaël, Jacob et Esaü... et puis il y aura même Joseph vendu par ses frères…
Non, la fraternité ne va pas de soi.  
Et cela, l'actualité  nous le montre sans cesse,  et c'est pour cela justement qu'il importe de le proclamer :
La fraternité, répétons-le, est un combat, un combat spirituel, une réalité à bâtir, pas à pas, main à main, pierres après pierres.
                                             
Certains aiment à dire que l'amitié serait  plus que la fraternité, car l'ami se choisit, et pas le frère.
Nous pensons pour notre part qu'il en va tout autrement.
La fraternité est autre que l'amitié, car justement, elle ne vient pas de nous.
Elle ne dépend pas de nos affections, de nos préférences.
La fraternité, c'est accueillir l'autre dans la dignité de sa différence.

Et découvrir un frère dans cet autre qui, sinon, me serait resté à jamais étranger.
Parce que ce qui nous lie, c'est autre chose que nous-mêmes et nos affects.
Pour nous croyants, la fraternité n'est pas seulement le troisième terme de la devise républicaine, c'est la reconnaissance en une paternité commune : celle de Dieu lui-même. Ce qui n'est pas rien.
Ce qui implique  nous sommes donnés les uns aux autres comme frères à découvrir et à vivre.


Ainsi, Construire la fraternité passera par 3 impératifs :
-        La rencontre qui demande la découverte,
-        Le respect, qui demande l'écoute
-        La reconnaissance qui va plus loin que la seule tolérance.

La rencontre, d'abord, et pour cela il faut oser la découverte de l'autre.
Ce qui est peut-être plus difficile encore à l'heure d'internet qu'il y a seulement un siècle.
Car la rencontre de l'autre prend du temps.
Car il faut découvrir l'autre par delà la tyrannie des apparences et des évidences, et des caricatures de toutes sortes.
Prendre le temps de revisiter l'histoire aussi, à l'image du formidable travail réalisé par Abdelwahab Meddeb et Benjamin Stora dans leur "histoire des relations entre juifs et musulmans des origines à nos jours" par exemple…

Ensuite, il nous faut réapprendre à nous écouter.
Nous disons réapprendre, car écouter l'autre dans la différence, c'est d'abord désapprendre. Découvrir que les mots, les images, les symboles mêmes  n'ont pas forcément le même sens, ce qui implique un véritable travail sur les mots et le sens des mots.

Pour enfin pouvoir entrer dans la reconnaissance.
Dans les deux sens de ce terme.

Reconnaissance de l'autre d'abord, c'est-à-dire de sa singularité, de son unicité. Reconnaissance pour nous croyant qui doit nous amener à pouvoir dire, selon les mots du grand Rabin de Londres Benjamin Sacks : "Avons-nous la capacité de reconnaître dans le "tu" humain un fragment du "tu" divin ?
Avons-nous la capacité de reconnaître l'image de Dieu dans celui qui ne nous ressemble pas ?"

Mais Reconnaissance  aussi au sens cette fois du remerciement,
devant la découverte que la différence m’enrichit au lieu de m'appauvrir.
Qu'elle est un plus, et non pas un moins.
Qu'elle n'est pas une menace, mais bien plutôt une chance, notre chance à tous pour pouvoir construire ensemble un monde plus fraternel.

Quand nous nous souhaitons un chaleureux « Shalom », « Salam » « La Paix », c'est cette fraternité-là que nous appelons de nos vœux car nous sommes tous, les Enfants bien aimés du Même et Unique Dieu.

Messieurs Paul Benguigui,  Victor Bohbot, Driss El Moudni, Mohammed el Mahdi Krabch, Père Jean-Marie Pesenti, Bernard Cavalier, pasteurs Fréderic Soriano et Jean-François Breyne. 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire