La Fraternité. Vœux pour la
nouvelle Année 2015.
le 4 janvier !
Mesdames, Messieurs,
Souvent, lorsque l'on parle
de dialogue inter religieux, on invoque le « vivre ensemble ».
Nous-mêmes, à l'occasion de
la collecte de sang que nous avons organisé avec l'EFS le 23 décembre,
expliquions ainsi notre démarche : "Si ton sang est bon pour sauver ma
vie, et si mon sang peut sauver la tienne, cela montre que nous pouvons vivre
ensemble la fraternité".
Pourtant, ce soir, nous nous
interrogeons : Et s'il s'agissait pour nous moins de dire un "vivre
ensemble possible", que de promouvoir un "construire ensemble",
un "bâtir ensemble" ?
Car en fait, la fraternité ne va pas de soi.
Elle demande de notre part à
tous, quelque soit notre religion ou simplement nos convictions, un
effort, un travail, oserais-je le mot : un combat spirituel.
Oui, lutter contre toute
tentation de replis sur soi,
lutter contre toute velléité
d'exclusion,
lutter contre toute
suffisance et prétention à une hégémonie
religieuse.
Un combat avec soi-même, n'est-ce pas cela, d'ailleurs, auquel tous nous sommes appelés : lutter
contre toutes les violences, contre tout
ce qui bafoue la dignité de l'homme et sa liberté ?
Oui, la fraternité ne va pas
de soi.
Elle est un projet, une
revendication, une promesse.
Dans nos textes fondateurs,
que cela soit la Thora juive, livre que les chrétiens reconnaissent aussi comme
leur Premier Testament,
ou dans le Coran, la
fraternité commence … dans le sang versé !
Car la fratrie est mise à
mal dès le début de la Bible avec
Caïn et Abel ; et cela ne continue pas mieux avec Isaac et Ismaël, Jacob et Esaü... et
puis il y aura même Joseph vendu par ses frères…
Non, la fraternité ne va pas de soi.
Et cela, l'actualité nous le montre sans cesse, et c'est pour cela justement qu'il importe de
le proclamer :
La fraternité, répétons-le,
est un combat, un combat spirituel,
une réalité à bâtir, pas à pas, main à main, pierres après pierres.
Certains aiment à dire que
l'amitié serait plus que la fraternité,
car l'ami se choisit, et pas le frère.
Nous pensons pour notre part
qu'il en va tout autrement.
La fraternité est autre que
l'amitié, car justement, elle ne vient pas de nous.
Elle ne dépend pas de nos
affections, de nos préférences.
La fraternité, c'est accueillir l'autre
dans la dignité de sa différence.
Et découvrir un frère dans
cet autre qui, sinon, me serait resté à jamais étranger.
Parce que ce qui nous lie,
c'est autre chose que nous-mêmes et nos affects.
Pour nous croyants, la
fraternité n'est pas seulement le troisième terme de la devise républicaine,
c'est la reconnaissance en une paternité commune : celle de Dieu lui-même. Ce
qui n'est pas rien.
Ce qui implique nous sommes donnés les uns aux autres comme
frères à découvrir et à vivre.
Ainsi, Construire la
fraternité passera par 3 impératifs :
-
La rencontre qui
demande la découverte,
-
Le respect, qui
demande l'écoute
-
La reconnaissance
qui va plus loin que la seule tolérance.
La rencontre, d'abord, et
pour cela il faut oser la découverte de l'autre.
Ce qui est peut-être plus
difficile encore à l'heure d'internet qu'il y a seulement un siècle.
Car la rencontre de l'autre
prend du temps.
Car il faut découvrir l'autre
par delà la tyrannie des apparences et des évidences, et des caricatures de
toutes sortes.
Prendre le temps de revisiter
l'histoire aussi, à l'image du formidable travail réalisé par Abdelwahab Meddeb
et Benjamin Stora dans leur "histoire des relations entre juifs et
musulmans des origines à nos jours" par exemple…
Ensuite, il nous faut
réapprendre à nous écouter.
Nous disons réapprendre, car
écouter l'autre dans la différence, c'est d'abord désapprendre. Découvrir que
les mots, les images, les symboles mêmes
n'ont pas forcément le même sens, ce qui implique un véritable travail
sur les mots et le sens des mots.
Pour enfin pouvoir entrer
dans la reconnaissance.
Dans les deux sens de ce
terme.
Reconnaissance de l'autre
d'abord, c'est-à-dire de sa singularité, de son unicité. Reconnaissance pour
nous croyant qui doit nous amener à pouvoir dire, selon les mots du grand Rabin
de Londres Benjamin Sacks : "Avons-nous la capacité de reconnaître
dans le "tu" humain un fragment du "tu" divin ?
Avons-nous la capacité
de reconnaître l'image de Dieu dans celui qui ne nous ressemble pas ?"
Mais Reconnaissance aussi au sens cette fois du remerciement,
devant la découverte que la
différence m’enrichit au lieu de m'appauvrir.
Qu'elle est un plus, et non pas un moins.
Qu'elle n'est pas une menace,
mais bien plutôt une chance, notre chance à tous pour pouvoir construire
ensemble un monde plus fraternel.
Quand nous nous souhaitons
un chaleureux « Shalom », « Salam » « La Paix »,
c'est cette fraternité-là que nous appelons de nos vœux car nous sommes tous, les
Enfants bien aimés du Même et Unique Dieu.
Messieurs Paul Benguigui, Victor Bohbot, Driss El Moudni, Mohammed el Mahdi
Krabch, Père Jean-Marie Pesenti, Bernard Cavalier, pasteurs Fréderic Soriano et
Jean-François Breyne.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire