samedi 21 janvier 2012

Epiphanie,  Cabanoule.
8 janvier 2012.
Matthieu 2.

Dans l'Evangile de Matthieu,
qui est proposé à notre méditation en ce dimanche de l'Epiphanie, pas de buisson ardent,
pas de chœur céleste,
pas de premier cantique  entonné par les anges, 
pas encore de cieux qui se déchirent ni de voix divines…
mais la nuit, la nuit du tragique, de la violence ;
Nuit d'une infinie tristesse.
Car si nous continuions la lecture de notre récit, viendrait la fuite en Egypte, l'errance de l'exil, et puis la terrible narration du massacre des nouveaux nés par Hérode. 
Hérode, vieux roi tyrannique et despotique, dont les chroniques  de l'époque nous confirment la terrible cruauté.

Pas terrible, en vérité,  ce récit de l'Epiphanie.
Et que dire aussi de nos célébrations de Noël que nous venons de vivre, et qui semblent pourtant laisser le monde toujours pareil à lui-même, toujours en proie à la violence, à l'absurde, au chaos ?

Et je ne sais pas pour vous, mais parfois, je dois vous l'avouer, monte en moi une infinie tristesse, devant tant de souffrances, tant d'errances, tant de marches qui semblent condamnées à la nuit.
Esaïe, déjà, disait :
-    Les ténèbres recouvrent la terre, l'obscurité recouvre les peuples (60, verset 2)

Et là, au cœur de la nuit la plus obscure, surgissent les mages, 
Personnages étranges et surprenants, qui vont se faire, pourtant pour nous, figures d'Evangile.

Car les mages sont au cœur du récit de Matthieu.

Mais au fait, qui sont-ils vraiment ?
Ils n'apparaissent qu'ici dans les Evangiles .
Ils ne sont pas rois, notons le  bien  (ça, c'est  la fin du 6ème siècle qui le rajoutera, par "contagion" notamment avec le texte d'Esaïe 60)
Qui sont-ils ?
Astrologue, médecin, savant, mathématicien, un peu magicien aussi...
Un mélange de Merlin l'enchanteur, d'Hubert Rives, d'Albert Jacquart… et du professeur Tournesol ? je ne sais !
On a pensé qu'ils étaient peut-être des astrologues babyloniens puisque Matthieu nous précise qu'ils viennent d'orient.
Des païens, donc !
Combien sont-ils ?
Là encore, nous n'en savons rien et qu'importe !!

Car ce qui importe c'est leur quête !
Ce sont des hommes de la quête,
Des hommes qui cherchent,
Des hommes qui se sont mis en chemin,  à la suite de l'éclat d'une étoile entrevue.
Devenant alors  "pèlerins de lumière".

Et c'est en ce sens qu'ils deviennent, pour moi,  exemplaires, paraboles d'Evangile, images même du croyant.
Des hommes qui ne se sont pas résignés aux ténèbres et qui, par la lumière, cherche la lumière, devenant ainsi pèlerins de lumière.

Et c'est bien cela que nous sommes appelés à être, nous aussi,  à notre tour.
Paradigme pour notre foi : ne pas nous résigner aux ténèbres et se mettre, à notre tour, en route et devenir Pèlerins de Lumière.

" Chacun de nous sait à quelle étoile  il a accroché ses pas, ses espérances et le meilleur de lui-même,  dit Alain Houziaux ;
Chacun de nous sait ce qu'il a continué à croire et à voir,  même dans les ténèbres de l'angoisse et de l'échec.
Dieu a donné une étoile à chacun de nous".

Et cette Etoile nous appelle et nous rappelle en ce jour à la joie et à la lumière, nous les errants de la nuit.
Car attention de ne pas dire trop rapidement :
-    Mais non, les mages, c'étaient des païens ; nous, nous savons…
Pour ma part, je crois que le païen, c'est à dire le désespéré, le résigné, l'homme enfermé dans la tyrannie des apparences et des évidences (n'est-ce pas cela, l'idole, le dieu su, connu, touché, immédiat, apparent ???), que ce païen donc n'est jamais loin en moi !
Car non, la foi n'est pas un acquis, et rien n'est jamais acquis. 
Je sais que tout est toujours en devenir, à faire advenir !


Mais la parole est là, elle  travaille en nous et malgré nous, comme un ouvrier sous-terrain qu'on ne voit pas et qu'on entend à peine mais qui creuse  dans les profondeurs de l'être pour faire jaillir la lumière.

Et nos mages de découvrir alors que la lumière n'est plus à chercher ailleurs, dans le ciel, mais qu'elle se révèle au cœur même de notre humanité, dans une naissance, dans la nuit du monde.
Et à travers elle derrière toute naissance ! 

Et nos mages vont découvrir la joie :
Matthieu dit littéralement:
"Ils se réjouirent d'une joie fortement immense" !
On sent que les mots se bousculent, que l'on ne trouve pas les mots pour dire l'indicible :
La présence de Dieu au cœur du monde, au cœur de chaque naissance.
Et nos mages alors s'ouvrent au don : lorsque manque les mots, reste l'offrande, le don par lequel tout va reprendre sens.

Je me suis longtemps demandé ce que signifiaient la myrrhe, l'encens et l'or !
Bien sur, tous les commentateurs, depuis les Pères de l'Eglise jusqu'à aujourd'hui y sont allés de leurs interprétations symboliques…
Et puis il y a peu,  en travaillant ce texte cela m'est apparu comme une évidence :
En Exode 30,   Moïse  donne les indications pour construire l'Arche d'alliance et ce qui sera le temple, lieu de la présence de Dieu au milieu de son peuple ;  et là,  en quelques versets apparaissent  l'or qui recouvre le tabernacle, l'encens pour l'autel des encens et la myrrhe pour consacrer tout cela.

Et si la myrrhe, l'encens et l'or des mages étaient là pour nous indiquer que désormais, le temple, le lieu de la présence divine, était bien là, dans cet enfant nouveau-né ?
Lieu et présence de Dieu au monde ???

Et par delà, et si cela signifiait que désormais chaque naissance devenait temple, lieu de la présence de Dieu au monde ?
Et davantage encore : n'est-ce pas nous qui devenons, à notre tour, par le baptême et dans la foi, temple de Dieu, temple du St Esprit
(1 Cor. 3, 16), porteur de Dieu ?

Alors, mes Sœurs, Mon Frère,
Et vous tous, frères et sœurs,
C'est chacun d'entre nous qui désormais est appelé à être mage pour le monde, pèlerin de lumière, afin de découvrir, émerveillé, que la myrrhe, l'encens et l'or, nous sont aussi offert,  à nous également, comme signe et manifestation de la présence de Dieu, cachée là, au plus secret,  au plus intime de nous-mêmes, fusse dans nos nuits les plus épaisses.

Car, comme les mages, il y a toujours un autre chemin possible,
N'est-ce pas cela, la Bonne Nouvelle de l'Evangile ?



Pasteur JF Breyne

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